J’habitais Toulouse et par le biais d’un ami qui y jouait ailier gauche, je fréquentais l’équipe de rugby d’une petite ville du Gers. J’allais souvent les voir jouer, j’étais parfois invité aux troisièmes mi-temps, j’ai même participé une fois à leur entrainement un jour que leur talonneur était malade.

Le truc avec le rugby, c’est que c’est un sport de contact. Des mecs qui passent leur temps à se toucher. Pour les besoins du jeu, évidemment, la mêlée, tout ça, mais aussi avant et après. Parce que c’est collectif, tu vois. Une équipe, c’est pas seulement deux fois quarante minutes sur le terrain et après ciao. Le pack, il existe vingt quatre heures sur vingt quatre et sept jours sur sept. Faire partie d’une équipe de rugby, c’est jouer sur le terrain, mais c’est aussi se foutre à poil ensemble dans les vestiaires, prendre des douches collectives, picoler au bar le samedi soir, et s’entraider dans la vie de tous les jours le reste de la semaine.

(Si tu veux mon avis, le rugby, c’est un sport qui a été inventé pour canaliser les pulsions homos, en donnant aux mecs un contexte où se toucher et nouer des relations affectives fortes sans que ce soit « suspect ». Mais chut.)

Bref. Un dimanche après-midi, on était allé assister à un match. Après quoi on avait descendu quelques bières. Puis à la nuit tombée, on s’était entassés dans la 2CV du copain et on avait pris la route pour rentrer. Tu m’imagines, dans la pénombre, coincé à l’arrière entre deux piliers gonflés à la testostérone, flottant dans les vapeurs éthyliques : le voyage était fort sympathique.

Soudain, l’envie de pisser. Forcément, vu toute la bière qu’on avait bue. Je me retiens un moment, mais je sens bien que ça ne va pas tenir jusqu’à Toulouse. Je demande une pause pipi. « Oh non, tu fais chier, si on s’arrête on va rentrer à pas d’heure, t’as qu’à te retenir ! » J’insiste. Le gars à ma gauche s’y met : « non mais moi aussi j’ai envie de pisser… » Un troisième réalise que puisqu’on en parle, finalement, lui aussi se soulagerait bien. Devant la fronde générale, le chauffeur capitule et s’arrête au bord de la nationale. Je m’extirpe de la 2CV et vais me planter dans le champ voisin la bite à l’air.

Une équipe de rugby, ça joue collectif ; j’avais oublié ce détail. Ça joue ensemble, ça picole ensemble… et ça pisse ensemble. Trois secondes plus tard, les quatre gaillards me rejoignent, deux à ma gauche, deux à ma droite, et se défroquent largement. « Attends, on t’accompagne, on ne va quand même pas abandonner un ami dans le besoin… » Une belle brochette de pisseurs dans la nuit gersoise, oui !

Mets-toi à ma place. Impossible de ne pas regarder. Quatre queues de jeunes rugbymen. Une grosse, deux moyennes, une petite. Une circoncise, trois intactes. Des poils. Dans la pénombre. Juste à ma portée. En une fraction de seconde, dix scénarios façon Helix Studios me traversent l’esprit. Cinq garçons, tellement de combinaisons possibles. Avec moi au milieu. L’érection est immédiate, irrépressible, incontrôlable.

Imperturbables, les mecs autour de moi arrosent le champ pendant que j’essaie désespérément de pisser ne serait-ce que quelques gouttes. Rien à faire. L’anatomie masculine est ainsi faite qu’on ne peut ouvrir qu’un canal à la fois. Soit tu pisses, soit jutes. Pas les deux. Pisser en bandant ? Miction impossible. Je me concentre, me force à me décontracter, t’imagines même pas le nombre de muscles et de voies nerveuses à coordonner pour uriner, le détrusor, plusieurs sphincters, les muscles périnéaux, tout le système parasympathique, je respire calmement, au prix d’un effort surhumain, tout en dissimulant mon érection du mieux que je peux, je parviens à émettre : trois malheureuses gouttes.

Regards consternés de mes acolytes. « C’est pour un pissou comme ça que tu nous escagasses depuis une heure ? Putaing, vous avez des vessies miniatures à Paris, ma parole ! »

J’ai bredouillé trois conneries, j’ai refoulé mon envie de pisser et mes scénarios pornos, on est remonté dans la voiture et on a repris la route.

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